L‘opposition


La Bulgarie fut le premier pays européen à être envahi par les Turcs Osmanlis ; elle ne vit son indépendance que cinq siècles plus tard. Ces siècles, connus dans l‘histoire bulgare comme « Le joug turc », furent une période d‘épreuve pour la population du pays, surtout pour ceux qui choisirent de garder leur religion chrétienne. Cette grande majorité de la population se trouvait dans une position sociale inférieure et subissait des cruautés et humiliations (parmi lesquelles « l‘impôt de sang »), qui ont laissé une trace profonde dans la mentalité et la mémoire historique des bulgares. Les révoltes contre les nouveaux venus ne tardèrent pas. Du début du règne turc jusqu‘à sa fin, les montagnes bulgares abritaient des troupes de rebelles, appelés « haidouti » – des hommes qui refusaient de vivre comme sujets du sultan et s‘opposaient à la violence avec violence. Ils attaquaient les troupes, processions, convois turcs et vivaient du butin, qu‘ils partageaient avec la population de la région. Pour cette population, ils n‘étaient pas des brigands, mais plutôt des vengeurs, des protecteurs, des héros. Leur noms ont étés préservés dans le folklore du pays : Tchavdar, Strahil, Manoush, Velko, et beaucoup d‘autres. En 1404 Konstantin et Frujine, les fils des derniers rois bulgares Ivan Sratsimir et Ivan Shishman, libérèrent, pour une période peu prolongée, quelques villes de l‘ancien Royaume de Vidin. Encore quelques révoltes furent organisées dans les années suivantes, mais de nouveau sans succès. En 1443, beaucoup de bulgares participèrent à la marche des troupes du roi des poles et des hongrois Vladislav III Jaguelo et du knyaz de Transylvannie Yanosh Huniyadi. Sofia et Zlatitsa, puis nombre de forteresses Danubiennes furent libérées, mais près de Varna les armées chrétiennes furent repoussées par les troupes du sultan Mourad II. Le roi polonais, plus tard nommé « Varnentchik », y trouva sa mort. En 1598, puis en 1683, deux grandes révoltes furent organisées dans la région du Balkan, menées par deux prétendants à la couronne bulgare - Chichman III, aidé par le knyaz valaque Mihail Hrabri, et Rostislav Sratimirovitch. En 1688 une révolte organisée par les émissaires catholiques de l‘Autriche éclata dans la ville de Tchiprovtsi. Cette révolte fut étouffée par des troupes hongroises. Aux insurgés bulgares qui ne furent pas massacrés, l‘empereur d‘Autriche donna des terres dans la région de Banat. Cest là que fondèrent leur villes et villages les « Bulgares de Banat » – une population qui garde encore ses liens avec les terres bulgares et qui parle, jusqu‘à nos jours, la langue bulgare. En 1689, encore une fois avec l‘aide de l‘Autriche, une révolte fut organisée dans une vaste région de la Macédoine. Deux chefs haïdut, Strahil et Karpoch, joignirent leurs forces aux autrichiens pour la libération de Kyustendil, Skopie et Koumanovo. Karpoch fut proclamé par les autrichiens « Roi des Bulgares ». Comme les révoltes précédentes, celle-ci aussi se termina en catastrophe. Après un siècle d‘espoirs de libération par voie diplomatique, le 19ème siècle vit les préparatifs de trois grandes révoltes, étouffées avant même d‘éclater, puis une révolte en Bulgarie du Nord-Ouest en 1850 (Bélogradtchik, Lom et Vidine) et, surtout, la longue organisation d‘une grande révolte des terres bulgares, qui culmina dans l‘Insurrection d‘Avril 1876. La préparation de l‘Insurrection d‘Avril commença en 1858 avec le Plan de Libération de Georgi Rakovski. Une légion bulgare fut créée en Serbie. Les révolutionnaires furent organisés en détachements, appelés « chéti», qui attiraient un nombre croissant de combattants. Hadji Dimitar, Filip Totyu et Stéfan Karadja furent parmi les plus célèbres dirigeants de ces unités. Des 1866, les activités révolutionnaires sur le territoire bulgare furent dirigées par des groupes d‘émigrés à Bucarest. En 1869 fut créé le Comité Central Révolutionnaire Bulgare avec, à sa tête, le révolutionnaire et écrivain bulgare Lyuben Karavelov. La plus grande personnalité, liée à ce mouvement, fut Vassil Levski, un diacre de Karlovo qui abandonna sa position pour devenir « l‘Apôtre de la Liberté ». Plus d‘une fois, il fit le tour du pays - pour semer l‘espoir de la libération, puis pour créer une organisation révolutionnaire. Son idéal était une République Bulgare indépendante, « pure et sainte ». Il créa un réseau de comités révolutionnaires, appelé « Organisation Révolutionnaire de L‘Intérieur ». Levski fut arrêté par les autorités turques en décembre 1872 et pendu à Sofia le 19 février 1873, mais les préparatifs pour l‘insurrection continuèrent. La Bulgarie fut divisée en quatre régions révolutionnaires, dirigées par Stéfan Stambolov, Ilarion Dragostinov, Stoyan Zaïmov et Panayot Volov, qui plus tard céda son poste à Georgi Benkovski. Cette quatrième région, qui vit aussi l‘activité des grands révolutionnaires Georgi Ikonomov et Zahari Stoyanov, devint le plus grand centre d‘activité révolutionnaire, avec son état-major à Koprivshtitsa (une ville dans la montagne de Sredna Gora qui, selon certains témoignages, fut le dernier refuge des descendants des dynasties bulgares royales). L‘insurrection était prévue pour le 1er mai 1876, mais les insurgés furent trahis. Dix jours avant la date fixée, le 20 avril, la révolte éclata dans la région de Koprivshtitsa, Streltcha et Panagyurishté, suivie par les Rhodopes, un nombre de villages près de Tarnovo, la région de Gabrovo. Elle fut étouffée de manière tellement atroce que le monde entier en fut choqué. L‘insurrection était déjà à sa fin quand les « tchetniks » d‘un des plus grands poètes et révolutionnaires bulgares, Hristo Botev, traversèrent le Danube et donnèrent tous leur vie, dans le Balkan près de Vratsa, pour la liberté du pays. Tandis que les mouvements libérateurs en Serbie, Grèce et Valaquie avaient été généreusement aidés et soutenus par l‘une ou l‘autre des « grandes puissances », une insurrection du peuple bulgare, organisée par les bulgares eux-mêmes ne faisait pas partie des plans ni de la Russie, ni de l‘Autriche-Hongrie. Du début jusqu‘à la fin, elle fut un effort entièrement bulgare; et c‘est cet effort qui fit le plus grand pas vers l‘indépendance du pays. Car malgré sa fin tragique, l‘insurrection d‘Avril 1876 réussit dans son but. Le courage de la population insurgée, ainsi que les atrocités des troupes turques - blâmées par le journaliste américain MacGahan, le libéral anglais William Gladstone, le savant Charles Darwin, les écrivains Victor Hugo et Oscar Wilde, le héros national italien Giuseppe Garibaldi - attirèrent l‘attention du monde chrétien sur le sort d‘un des plus anciens peuples du continent. Une conférence internationale des « grandes puissances » fut convoquée, menant en fin de compte à la guerre Russo-Turque de 1878 - une guerre qui fut libératrice pour une partie du peuple bulgare.

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