La christianisation et l‘alphabet slave


C‘est au Ier siècle que les terres de la Bulgarie actuelle accueillirent les premiers prêtres chrétiens - les apôtres Paul et André. Vers le 4ème siècle le christianisme avait déjà une influence considérable parmi les Thraces. Plus tard, cette foi trouva ses adhérents parmi les tribus slaves de la péninsule des Balkans. Encore dans les terres de l‘Ancienne Grande Bulgarie, beaucoup de Bulgares, même parmi les membres de l‘aristocratie et des souverains, étaient chrétiens. En 852 le trône bulgare revint a Boris I (852-893), qui hérita d‘un état immense par son territoire. Sur les terres de la Mésie et de la Thrace, les Thraces et les Bulgares n‘étaient peut-être pas considérablement moins nombreux que les Slaves, mais les Slaves étaient certainement la population la plus nombreuse des nouvelles acquisitions territoriales. Cependant, la langue de l‘administration de l‘état était toujours l‘ancien bulgare. Une liberté religieuse était tolérée. Boris I avait l‘ambition de créer un état chrétien moderne qui unifierait les populations slaves dans l‘Europe du Sud-Est et l‘Europe Centrale. La Bulgarie devait devenir le centre culturel du monde slave. Les populations thraces, bulgares et slaves devaient s‘unifier sur la base d‘une langue et d‘une religion communes, pour former un seul peuple bulgare. Pour que la population slave du pays puisse comprendre la liturgie sans devoir apprendre le grec, il était important que celle-ci fut dans sa langue maternelle. Ensuite, comme le christianisme ne pouvait être pratiqué sans livres, sans textes écrits, des textes dans le dialecte slave de la région devaient être créés. En 855, trois ans apres la succession de Boris au trone bulgare et simultanément à l‘expression de son intention de convertir le peuple Bulgare, deux frères, fils d‘un haut fonctionnaire byzantin, qui provenaient de la région de Thessalonique (peuplée à cette époque par des slavines du groupe bulgare), nommés Constanin et Méthode, quittèrent pour quelque raison leurs postes importants dans l‘administration de Byzance. Ils s‘isolèrent dans un monastère dans le but de créer une écriture, adaptée à la langue slave qu‘ils connaissaient (l‘alphabet grec ou latin n‘étant pas adéquats, selon eux, au système phonologique du slave), et de traduire les livres saints du grec à cette langue. Ils finirent cette tâche avec succès sept ans plus tard, en 862, créant l‘alphabet glagolitique et quelques traductions dans le dialecte slavo-bulgare qu‘ils parlaient. La même année, ils furent envoyés par l‘empereur en mission en Moravie, sur la demande du prince Rostislav. En 863 Boris I se convertit a l‘orthodoxie. Suite à de longues délibérations et étouffant une grande révolte de l‘aristocratie bulgare, l‘orthodoxie de Constantinople, préférée au catholicisme de Rome (c‘était déjà la religion de la plupart de la population des régions de Thrace et Macédoine), fut adoptée et le pays fut converti. Une cinquantaine d‘années plus tard, l‘église bulgare était déjà Patriarcat autonome. Sur l‘entier territoire, Boris fit construire de nombreuses églises et monastères. Grâce a l‘activité des frères Constantin-Cyrille et Méthode et malgré les attaques du clergé allemand en Moravie, en 869 les écritures slaves (glagolitiques) furent proclamées canoniques par le Pape Adrien II – un acte qui fut confirmé par le Pape Jean VIII en 879. Après la mort de son frère, Méthode continua son activité en Pannonie, puis retourna en Moravie, où il mourut en 885. Après sa mort, cependant, le clergé allemand en Moravie interdit l‘alphabet et la liturgie slave. Les disciples de Cyrille et Methode furent chassés de la Moravie, quelques-uns même emprisonnés ou vendus en esclavage. Ceux qui réussirent à s‘évader trouvèrent refuge en Bulgarie. Là, ils furent accueillis par Boris I avec le respect qui, selon lui, leur était dû. Parmi ces disciples étaient Clément, Naoum et Anghélaria. C‘est aux souverains non-slaves du Premier Royaume Bulgare et aux disciples de Cyrille et Methode dans les centres littéraires bulgares de Pliska-Preslav et Ohrida que nous devons la dissémination et le développement de la tradition littéraire slave - l‘oeuvre, commencée par les deux frères Constantin-Cyrille et Méthode. Ils posèrent les fondations de l‘Ecole Littéraire Bulgare Médiévale avec ses deux centres d‘activité - la capitale Pliska (plus tard déplacée a Véliki Preslav) et Ohrida (en Macédoine actuelle). Sur tout le territoire bulgare, la langue slave fut introduite dans les églises. Conformément aux décisions du VIIIème Concile Oecuménique, des écoles furent ouvertes dans chaque paroisse. La population lettrée sur le territoire bulgare atteignit vite, selon les estimations, un pourcentage remarquablement élevé. C‘est dans le centre littéraire bulgare de Pliska-Prreslav que l‘alphabet cyrillique fut créé, à partir du système de l‘alphabet glagolitique, en gardant les correspondances « phonème - unité graphique », mais en substituant une part des lettres glagolitiques avec des lettres de l‘alphabet grec, et une autre part (correspondant aux phonèmes spécifiques bulgaro-slaves), avec des lettres qu‘on retrouve dans les inscriptions en ancien bulgare et dans l‘alphabet copte. Les valeurs numériques des lettres grecques furent retenues. Les raisons les plus vraisemblables pour la création de ce deuxième alphabet étaient, premièrement, l‘introduction par Constantin-Cyrille de valeurs numériques différentes de celles couramment utilisées, deuxièmement - la graphie trop complexe des lettres glagolitiques. Enfin, l‘administration et les hommes lettrés de l‘Etat Bulgare avaient déjà une longue tradition d‘écritures à l‘aide de lettres bulgares et grecques. La création de l‘alphabet cyrillique ne diminue aucunement l‘importance de l‘oeuvre de Constantin-Cyrille, qui réside dans ses traductions en langue slave, dans la découverte du système phonologique du dialecte bulgaro-slave, dans l‘idée de créer un alphabet phonétique aux claires correspondances lettre-phonème. Les principes de cet alphabet phonétique furent gardés dans l‘alphabet cyrillique, créé dans l‘Ecole Littéraire Bulgare. En Bulgarie, cette tradition d‘écriture presque entièrement phonétique est gardée jusqu‘à nos jours. Pendant le règne du fils de Boris I, Siméon (appelé plus tard Siméon Le Grand) (893-927), la nouvelle capitale bulgare chrétienne de Véliki Preslav fut construite et devint vite le plus grand centre littéraire slave. Sous la direction de Siméon, qui avait reçu une excellente éducation à l‘Université de Magnaure à Constantinople (la seule université européenne de l‘époque), travaillaient les « pères » de la littérature slave Tchernorizets Hrabar, Ioan Ekzarh, Konstantin Preslavski. C‘est à Preslav et à Ohrida que les premières oeuvres, parvenues jusqu‘à nous, de la littérature religieuse et laïque slave, furent créées. La littérature créée dans les centres littéraires du Premier Royaume Bulgare fut à la base des littératures slaves, ainsi que beaucoup plus tard des traditions littéraires de la Valaquie et Moldavie. Le règne de Siméon fut aussi une période de grandes conquêtes territoriales. La Bulgarie de « l‘Age d‘Or » occupait la plus grande partie de la péninsule Balkanique et s‘étendait sur trois mers – La Mer Noire, La Mer Egée et la Mer Adriatique.



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